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TROIS FILMS SINON RIEN #14

novembre 2, 2013

Prisoners

PRISONERS (Denis Villeneuve – 2013)

Sous une pluie battante, Villeneuve éteint ses INCENDIES

Comme dans son précédent film, ce qui intéresse l’auteur n’est pas la détention en elle-même, ni les sévices qui en découlent, mais ses conséquences sur les victimes et leur entourage. Prisonniers d’un sombre passé ou de leur statut social (chef de famille ; flic ; rescapé ; psychopathe), l’enfermement est bien plus psychologique que physique, les disparues disparaissent de l’écran, et la souffrance engendrée y est d’autant plus palpable.

Étouffés par une vaste nature déprimante sous une chape de plomb grisâtre, nul ne peut échapper à son destin, pas même le film qui s’enlise dans son classicisme, s’étire et s’étiole sans jamais trouver l’effroyable souffle du scenario d’INCENDIES (2011). Après avoir cherché en vain une quelconque empathie envers les protagonistes, frustré par leur manque de relief (ici on ne creuse pas, on bouscule poliment), et sans véritablement débattre de l’épineuse question Schumacherienne, l’auto-justice, les pièces plus ou moins évidentes de l’enquête se mettent laborieusement en place pour enfin nous libérer d’une atmosphère plus lourde que tendue. Happy end ?

Gravity

GRAVITY (Alfonso Cuaron – 2013)

2013, l’expérience de l’espace

Prouesses techniques hallucinantes, réalisation magistralement maîtrisée (plans-séquences suffocants, gigantesque travail sur le son), une vertigineuse sensation d’apesanteur qui nous perd au milieu de ce vaste terrain de jeux et de phantasmes cinématographiques. Cuaron, en chef d’orchestre hors pair, fait graviter sa caméra autour de son sujet principal, et opère avec une fluidité impeccable, un va-et-vient continu entre points de vue externes et internes, l’immersion est totale, l’infini n’ayant jamais été aussi concret, les étoiles aussi proches.

Une extraordinaire programmation pour la géode ou autres attractions hautement sophistiquées de la cité des sciences, et c’est bien en ça que cette mission pose problème, créant un redoutable effet de dépressurisation. Le film, puisque de film il s’agit, ne sort jamais de son orbite, aussi millimétré qu’un lancement spatial de la NASA, il suit linéairement un scenario trop didactique qui finit par tourner court et en rond (ouverture, incident, tension, émotion, incident, tension, émotion, libération), et son visuel si intense, devient très vite redondant. Là où Kubrick en son temps, quittait son scaphandre pour s’emparer de l’histoire philosophico-mystique de l’humanité toute entière, tutoyant ainsi du bout des gants l’éternité, nous sommes ici limité par une unité de temps, de lieu et d’action, et le space opera se transforme alors en space theater, manquant cruellement de profondeur, d’envergure, presque d’oxygène, ce qui est plutôt fâcheux dans l’espace. Ignition

alabama monroe

ALABAMA MONROE (Felix Van Groeningen – 2013)

État cinématographique

Anéanti par la violence d’une guerre perdue d’avance ; complètement enseveli sous l’émotion ; la fiévreuse country agrippée aux oreilles ; bouche et yeux grands ouverts comme pour engloutir toute la fragilité de la vie ; lisant soigneusement, chaque cri sur ces corps qui dessinent leur histoire ; une larme tatouée sur la joue et Veerle Baetens sur le cœur. Dieu que c’est beau la maladie de cinéma, celle d’un cinéma, dont chaque centimètre de pellicule, nous marque dans la chair, à l’encre rouge…

P.E.C.

From → CINEMA

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